La préparation de vos acquisitions
Acquérir de nouveaux documents est essentiel si on veut garder (et attirer !) des lecteurs enthousiastes. Mais comment faire pour ne pas acquérir ces nouveaux ouvrages "au hasard" et respecter la politique documentaire établie ? Comment travailler ensemble sur le choix, puis la validation des acquisitions ?
Résumé des épisodes précédents :
Vous avez sélectionné vos différentes sources de veille, en fonction du ou des domaines qui vous intéressent. Vous les avez regroupées au même endroit pour gagner du temps. Pour voir tout ce qui a été dit à ce sujet, l’article est ici !
Et c’est maintenant l’heure de passer aux acquisitions en tant que telles. Allons-y ensemble.
Je vous propose un découpage tout personnel, en trois phases.
- Capitalisation
- Collaboration
- Calcul (ou rationnalisation, mais 3C, c'est plus facile à retenir de CCR )
Ces phases ne se suivent pas forcément de manière chronologique, se chevauchent et sont itératives.
Phase 1 : capitalisation (de votre veille)
Grâce à votre travail de veille, vous disposez de tout un tas de ressources pertinentes et ciblées, en accord avec votre politique documentaire.
Il va falloir à présent constituer une base d'acquisition avec ces résultats. Et alors la question se pose : comment récupérer et capitaliser cette veille ?
Plusieurs moyens s'offrent à vous, et voici quelques exemples :
- Le papier : rien ne vaut le bon vieux papier. On note les infos essentielles de chaque ouvrage, sur le modèle d'une fiche de lecture détaillée. On peut tout à fait scanner ce papier ensuite pour l'avoir sur ordinateur. Avec l'intelligence artificielle ou un programme spécifique, on peut même transformer l'écriture manuscrite en écriture numérique.
- Le fichier Excel : l'équivalent numérique du papier, avec l'avantage non négligeable que ce fichier peut être partagé entre plusieurs personnes, que chacun peut l'enrichir de ses trouvailles et que tous les titres sont stockés sur le même document.
- Un outil de veille bibliographique, pour ne pas les citer : ORB et Electre. Ces outils vous permettent très facilement d'exporter les résultats de votre veille, qu'elle soit purement issue des nouveautés ou que vous ayez constitué des paniers regroupant nouveautés, suggestions de vos lecteurs, recommandations de vos libraires, découvertes des réseaux sociaux, etc.
L'avantage de ces outils de veille : vous récupérez des données complètes, qui respectent les normes en vigueur en matière de données bibliographiques. Vous n'avez plus qu'à y ajouter votre commentaire.
- Votre logiciel de gestion documentaire (aussi connu sous le nom de SIGB) : cela vous permet d'avoir tout, absolument tout, au même endroit. Ce logiciel peut même être connecté :
- à vos sources de veille, pour une intégration instantanée (sinon, ce n'est pas grave : cela vous demandera un export depuis la source en question, et un import au sein de votre logiciel)
- à des fournisseurs de données, permettant de récupérer toutes les données bibliographiques (aux normes) correspondant à un titre.
L'avantage d'avoir un SIGB avec toutes ces connexions, c'est que cela vous fait gagner un temps fou : en quelques clics, votre fiche de lecture est complète et devient une notice à part entière, avec son illustration, la quatrième de couverture, toutes les informations placées dans les bons champs UNIMARC, en accord avec les normes ISO.
Vous pouvez même enrichir ces informations avec les vôtres ! Ajouter vos commentaires, d'une part, mais aussi pourquoi pas le domaine thématique et le motif d'acquisition, pour voir immédiatement s'il s'agit d'une suggestion de vos lecteurs, d'un renouvellement ou d'une découverte (et si vous aimez le papier d’amour, vous pouvez toujours exporter votre liste d’acquisitions et l’imprimer).
Toutes ces informations vous aideront par la suite à décider du futur de cette acquisition.
Bien sûr, vous n'allez peut-être (sûrement !) pas acquérir la totalité de vos résultats de veille. Mais cet ajout d'informations ne sera pas perdu : toutes les notices présentes dans votre logiciel seront complètes et aux normes, que quel que soit leur futur. Et donc, vous aurez toujours ça de moins à cataloguer.
Et en plus, si vous n’achetez pas maintenant, vous l’achèterez peut-être la prochaine fois !
Côté Syracuse
Tous les SIGB proposent plus ou moins de connecteurs. Syracuse (c'est le nôtre, et il est assez super, donc il faut bien que j'en parle ici !) dispose de connecteurs avec les bases de veille (comme Electre et ORB) et avec les fournisseurs de données (comme la BNF, le SUDOC, WIKILUDO, par exemple).
Nous apportons une attention toute particulière au respect des normes bibliographiques, donc vous pouvez être sûrs que vos données seront à jour et aux normes.
Phase 2 : collaboration (et partage de vos acquisitions)
Vous vous retrouvez donc avec une base de notices d'acquisition potentielles.
En fonction de votre organisation interne, il se peut que vous soyez seul responsable des acquisitions ou que vous fonctionniez en équipes, hiérarchisées ou non, voire en réseau. Il se peut que vous partagiez tous les mêmes budgets, ou que vous ayez un budget dédié à tel ou tel domaine thématique.
Dans tous les cas (même si vous êtes seul), vous avez besoin de collaborer et de partager vos intentions d'acquisitions avec les autres. Ces autres, ce sont vos collègues, les autres établissements de votre réseau, vos lecteurs, les bibliothécaires des communes voisines… Savoir ce qu'ils achètent, eux, peut vous donner des idées, et si vous êtes au courant de leurs acquisitions, vous allez aussi pouvoir mieux conseiller vos lecteurs.
Vous connaissez sans doute ce proverbe : « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Je n'aime pas trop ce proverbe d'habitude, mais il est tout à fait pertinent ici. Je vais quand même le modifier un tout petit peu :
Seul on va peut-être plus vite. Ensemble, avec les bons outils, on va plus loin, plus longtemps, plus efficacement.
Mettons donc en commun et travaillons ensemble !
Là encore, plusieurs solutions :
- Une réunion (physique ou virtuelle) avec une liste de titres. On passe sur les différents titres, on donne son avis, on partage les contraintes, on prend une décision. On peut même inclure certains lecteurs !
- Un fichier partagé sur lequel on peut tous travailler en même temps sans perdre d'information : un fichier dans Sharepoint,sur Dropbox, un Google doc… chacun est identifié et peut donner son avis. On peut imaginer un système de votes, un sondage…
Ces deux solutions sont excellentes, mais présentent tout de même un inconvénient majeur : après la réunion ou lorsque tout le monde a collaboré au fichier, il faut reporter les décisions manuellement (directement sur un bon de commande ou dans votre logiciel de gestion).
Cela peut aller vite : si vous utilisez un outil de veille, vous déplacez simplement les ouvrages non sélectionnés dans un autre panier et vous passez commande.
Cela peut aussi être plus long, selon les outils à votre disposition.
Il existe une troisième solution pour mettre en commun vos acquisitions et même inclure vos lecteurs dans la boucle :
- Votre logiciel de gestion documentaire (ou SIGB), avec toutes vos données et tous vos commentaires au même endroit.
Tous les professionnels ou bénévoles ont accès à ce logiciel. Tout le monde peut donc potentiellement contribuer.
Vous pouvez rendre visibles vos acquisitions sur votre portail, et demander à vos lecteurs de voter pour les ouvrages qu'ils souhaitent retrouver dans vos étagères. Vous pouvez même leur préréserver l'ouvrage choisi, pour qu'ils puissent en profiter dès son arrivée dans la bibliothèque. Vous établissez ainsi les bases d'une relation VIP avec eux.
Côté Syracuse
Chaque SIGB a sa manière de suivre ses acquisitions.Pour vous donner un exemple : dans notre logiciel Syracuse, chaque acquisition possède un sous-état personnalisable. Tout le monde voit donc si l'acquisition est validée, à valider, invalidée, en arbitrage…
Syracuse - Exemple de base d'acquisitions en intention, avec des états, des sous-états, des motifs...
Finalement, vous devez être en train de vous en rendre compte, c'est toujours la même idée qui revient : tout regrouper au même endroit facilite la vie.
Phase 3 : calcul (ou rationalisation de vos acquisitions)
Afin de choisir quelles acquisitions seront commandées, il faut aussi prendre en compte des critères chiffrés et rationnels, à savoir, principalement : les sous (le budget), la politique d'acquisition en place et les principaux critères quantitatifs (taux de renouvellement annuel, taux de rotation, âge médian et moyen…).
Nous allons essayer de passer assez vite sur ces critères « quanti ».
(déjà, parce ce qu’ils ne sont pas très drôles, et surtout parce la plupart sont sources de pression inutile.)
Commençons par le taux de renouvellement annuel qui est en fait une simple équation :
Taux de renouvellement annuel = nombre de nouveaux documents sur l’année / nombre total de documents possédés.
(parfois on retire le nombre de documents perdus de l'équation).
De là, on peut tirer des recommandations générales, comme par exemple : il faut un taux de minimum 7,5% pour conserver l'intérêt des lecteurs, le désherbage compense les faibles acquisitions…
Dans le même esprit, on peut évoquer la méthode Atkinson (qui date de 1976 quand même), qui dit en gros que pour un livre acheté, un livre part en réserve, et un quitte la bibliothèque.
Ou pire encore : la méthode McClellan (1978), qui définit par une équation beaucoup trop complexe (avec des racines carrées et des divisions de sommes), le stockage idéal dans une catégorie précise…
De quoi en perdre son latin.
Vous pouvez aussi prendre en compte des données (un peu) plus pertinentes comme le taux de rotation de vos collections, leur âge médian et moyen, voire critique.
Mais soyons honnêtes : tout cela reste très théorique.
Dans la réalité, évidemment, les nouveautés sont essentielles à la bonne santé d'une bibliothèque, tout comme le désherbage, et le taux est de renouvellement et les méthodes citées sont des informations à prendre en compte. Mais pas besoin de s'en faire un objectif absolu !
Parce que dans la réalité : il y a une contrainte de place (vos étagères ne sont pas extensibles), d'usure liée au temps (les livres ne sont pas réparables indéfiniment), et de budgets.
Vous pouvez déculpabiliser en vous posant la question : vaut-il mieux avoir un taux de renouvellement annuel à 10% ou bien des étagères vides ? A votre avis, qu'est-ce qui va attirer vos lecteurs ?
Vous l'aurez compris : je ne suis pas pour la sacralisation de ces équations théoriques (et vieilles), qui oublient complètement toutes les actions de valorisations du fonds qui permettent de faire redécouvrir des pépites, ou les actions culturelles qui mettent parfois des titres oubliés en lumière.
Si vous tenez absolument à suivre une « méthode », à avoir un « cadre » et à vous baser sur des « lois », choisissez de suivre la loi Robert !
La loi Robert « n’impose » rien, elle donne des pistes à suivre.
L’article 6 par exemple, indique effectivement que les collections doivent être « régulièrement renouvelées et actualisées ». Et l’ABF décrypte très bien : « Le devoir d’actualisation et de renouvellement implique la légitimité du désherbage et la nécessité d’un budget. »
(source : le mode d’emploi de la loi Robert.)
Passons maintenant à la politique d'acquisition qui est beaucoup plus intéressante.
Elle est beaucoup plus intéressante parce que c'est vous qui l'avez définie !
Je n'ai pas la prétention de vous apprendre à établir une politique d’acquisition, et encore moins dans un simple article de blog (ce sera peut-être l'objet d'un webinaire complet).
Je peux néanmoins lister ici certains critères dont vous avez peut-être dû tenir compte lors de la définition de votre politique d'acquisition et qui vont influencer vos décisions quant à l'achat de tel ou tel ouvrage :
- La place que vous accordez aux suggestions de vos lecteurs, qu’elles proviennent d’un cahier de suggestions (physique ou numérique) ou d’un formulaire en ligne.
- La variété des supports : disposez-vous de jeux de société ? De jeux vidéo ? De livres lus ? De livres numériques ? De liseuses ?
- Les fonds spécifiques : peut-être proposez-vous des ouvrages adaptés aux publics Dys ? Une collection "facile à lire" ? Des livres en gros caractères ?
- Les genres : on est d'accord que proposer plusieurs genres est essentiel, mais lesquels favorisez-vous ? Et y a-t-il un roulement en fonction des événements littéraires ? Polars, fantasy, romances, science-fiction, littérature générale…
- Les auteurs, les styles, les cultures : on a tous nos chouchous (moi c'est Estelle Faye et Adrien Tomas), mais il faut bien sûr varier, pour permettre à tout le monde trouver son propre chouchou.
- Les langues : avez-vous des collections en VO ? En bilingue ? Si oui, quelle langue ? Et en quelle proportion ?
- La variété des niveaux de lecture : tous vos lecteurs n'ont pas le même niveau de lecture. En fonction de vos lecteurs, il est important d'avoir une répartition Jeunesse/Adulte adéquate.
- La variété des niveaux d'expertise (pour les documentaires) : on n'est pas tous des experts en moteurs Stirling.
Ce ne sont que des exemples, il y en a d'autres (proportion de dons, de réassorts…), mais vous avez compris le principe.
Vous pouvez même partager votre politique d'acquisition à travers une charte d'acquisition, pour bien en poser les axes et que tout le monde soit au courant. Et quand je dis "tout le monde", ça inclut vos collègues professionnels et bénévoles évidemment, mais aussi vos lecteurs, puisque rien ne vous empêche de publier cette charte sur votre portail.
L'équilibre entre toutes ces variables n'est pas simple à trouver, mais si cela peut vous rassurer : vous êtes les mieux placés pour l'établir. Et ce, pour deux raisons principales :
- vous connaissez vos lecteurs,
- vous connaissez votre métier.
À partir de là : vous pouvez vous faire confiance !
Enfin, last but not least : vos budgets, et donc les sous dont vous disposez !
Nous parlerons en plus amples détails des budgets et du suivi budgétaire dans un épisode prochain.
Mais déjà : le budget et surtout son suivi sont évidemment très importants, voire essentiels, dans vos choix d'acquisition, ne serait-ce que pour ne pas consommer tout votre budget dans des ouvrages de space opera ou de dark fantasy (au hasard). Personnellement j'adore ! Mais peut-être pas la majorité de vos lecteurs…
Peut-être avez-vous un budget global, le même pour tout le monde, ou bien un budget plus précis, réparti par section (Adulte/Jeunesse), par support (Livre papier/audio/numérique/BD…), ou par domaine d'acquisition (Roman/Polar/BD…).
Dans tous les cas, il est recommandé de "découper" son budget à l'avance, et surtout de le suivre. Cela permet d'avoir une feuille de route tout au long de l'année et d'éviter les mauvaises surprises.
Là encore, il existe de nombreux outils de suivi budgétaire. Je pourrais vous parler d’Excel, d'autres tableurs, des outils mis à votre disposition par vos libraires… Mais vous commencez à me connaître, vous savez que je préfère quand tout est au même endroit et quand tout se synchronise automatiquement.
Je vais donc vous parler des outils de suivi budgétaire intégrés à vos logiciels de gestion documentaire (ou SIGB).
Quel que soit votre SIGB, vous avez forcément un module rattaché aux dépenses, aux budgets, à vos acquisitions. Si ce n'est pas le cas, eh bien c'est que ce n'est pas un vrai SIGB...
L'avantage en utilisant votre SIGB, c'est qu'il n'y a pas de copier-coller à faire, d'import-export à lancer, de fichiers à comparer pour être certains d'avoir toutes les données. Vous avez déjà tout, en fait. Toutes vos notices sont déjà complètes et complétées. Tout se trouve dans votre logiciel. Donc les liaisons se font automatiquement et en temps réel.
Si votre SIGB propose une modélisation graphique, vous pouvez même voir où vous en êtes, physiquement. Vous avez prévu de dépenser 200 euros ce trimestre pour l'acquisition de romans fantasy ? Vous pouvez voir la jauge dédiée augmenter et vous pouvez corriger le tir en temps réel.Syracuse - Exemple de suivi budgétaire en fonction de la section et du domaine thématique
Et ça, c'est quand même un gain de temps et d’efficacité assez phénoménal en termes de prise de décision.
En bref, pour préparer vos acquisitions efficacement...
Pour préparer vos acquisitions efficacement, vous pouvez procéder de plein plein de façons.
Vous pouvez aussi diviser votre préparation en trois phases.
- Phase une : mettre à plat les résultats de la veille
- Phase deux : mettre en commun
- Phase trois : rationaliser
Ces trois phases sont amenées à se chevaucher et à se répéter. C'est normal et conseillé !
Tout avoir au même endroit et tout synchroniser en temps réel peut vous faciliter la vie et vous faire gagner un temps précieux.
Et c'est là que se révèle toute l'utilité d'un logiciel de gestion documentaire efficace. Un bon SIGB vous permettra de :
- Veiller
- Collaborer
- Rationaliser
Mais aussi de :
- Passer commande
- Suivre vos commandes, vos fournisseurs et vos marchés
- Suivre vos budgets
- Evaluer votre fonds
- Analyser vos publics...
Ajoutez une communication avec votre portail internet et boom ! Vos lecteurs rentrent dans l'équation, s'impliquent dans la vie de la bibliothèque, la font rayonner et bien plus encore...
Mais ça, ce sera pour un (ou plusieurs !) épisodes prochains.
D'ailleurs, dans le prochain épisode, nous parlerons de la préparation de vos commandes en tant que telles et de leur suivi, en passant notamment par le pré-catalogage, vos fournisseurs et vos marchés... Tout un programme !
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Pour rappel, vous pouvez retrouver notre premier épisode, sur la veille, ici.
Et si vous voulez en savoir plus sur le meilleur SIGB du marché (promis je n'exagère pas !), n'hésitez pas, contactez-nous.
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Écrit par mvidal